CETA : la démocratie au tapis

Les lobbies des multinationales n’abandonnent jamais. Déboutés dans les années 90 par une mobilisation citoyenne sans précédent contre l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI), ils ont repris leur patient travail de déconstruction des structures démocratiques afin d’imposer au monde leur vision d’une société où tout se vend et tout s’achète. Motivés par la seule perspective de profits immédiats, aidés par une classe politique vendue de la (fausse) gauche à la droite, ces clubs d’aliénés parviennent aujourd’hui à faire adopter des traités de libre-échange qui sont de véritables bombes à retardement en matière environnementale, sociale et culturelle : CETA, TTIP (ou TAFTA), ALENA (NAFTA), TPP et consorts, tous rejetons bâtards de l’AMI.

CETA

Contrairement à ce qu’affirment sans relâche les valets du capital que nous avons placés à la tête de nos États, ce monde n’a pas besoin de plus d’échanges commerciaux, ni d’une plus grande production de biens matériels, mais de plus d’intelligence, de partage et de coopération, car une partie de l’humanité se vautre dans la surconsommation tandis que l’autre se débat dans la pauvreté. Par conséquent, tout accord international visant à augmenter la production et les échanges entre pays riches ne parviendra qu’à accroître les déséquilibres mondiaux et leur cortège de conséquences désastreuses : guerres, terrorisme, épidémies, pauvreté, catastrophes écologiques…

Par ailleurs, toute augmentation de production et d’échanges implique une plus grande consommation de matières premières, notamment fossiles, et donc une croissance des émissions de CO2 et d’autres rejets polluants. Dès lors, comment ne pas voir l’incohérence dont se rendent coupables nos autorités lorsqu’elles signent en grande pompe un traité pour la préservation du climat (Accord de Paris, lors de la COP21), puis quelques mois plus tard un texte garantissant une augmentation sans fin des émissions de gaz à effet de serre ?

L’Union européenne n’est certainement pas un modèle en matière de respect de l’environnement, mais que penser du Canada, véritable champion de la surconsommation qui se classe 7e sur 183 pays en matière d’empreinte écologique par habitant ? En d’autres termes, il faudrait les ressources de plus de 4.5 planètes Terre si l’on voulait permettre à tous les humains de vivre comme les Canadiens…  (source : Global Footprint Network, 2016)

C’est donc avec beaucoup d’émotion que nous avons écouté la semaine passée les leaders européens vanter aux Wallons et autres résistants anti-CETA les qualités de ce partenaire si aimable, avec ses exploitations, gigantesques et destructrices, de sables bitumineux, ses OGM (4e producteur mondial), son délicieux bœuf aux hormones et ses plus de 205’000 puits à fracturation hydraulique pour l’extraction du gaz de schiste ! Oui, on se réjouit vraiment de faire des affaires avec ces gens-là…

On se réjouit de voir l’Europe, par la grâce du CETA, transformée en terrain de jeux pour les entreprises canadiennes, ou pire, les firmes canadiennes de boîtes étasuniennes, qui dévastent actuellement le Nord de l’Amérique. Et amassent des montagnes de fric – c’est si chic.

Comme les autres traités bâtards rédigés par des sbires à la solde des multinationales, le CETA prévoit un mécanisme de règlement des différends par le recours à un tribunal arbitral privé. Et, Ô Miracle, ce système peut aboutir à la condamnation d’un État dont la législation priverait une gentille multinationale de profits astronomiques… On nous prend vraiment pour des idiots !

Vous trouverez d’autres informations édifiantes sur divers aspects du CETA dans les documents pdf suivants, que vous pouvez télécharger :

Guide CETA
Note politique – CETA, l’autre traité transatlantique
The right to say no: EU–Canada trade agreement threatens fracking bans

Je voudrais encore dire mon admiration et ma sympathie aux autorités wallonnes et de Belgique francophone pour leur résistance courageuse face à l’UE et au Canada, et leur projet d’accord commercial néolibéral. Le rapport de force était toutefois trop défavorable. L’avenir nous dira si les modifications obtenues par les Wallons ne sont pas que cosmétiques.

Le processus n’est toutefois pas terminé, puisque ce torchon de 1600 pages doit encore être adopté par tous les parlements concernés, ce qui peut prendre plusieurs années. Nul doute que l’on assistera encore à quelques passes d’armes entres partisans et opposants au texte.

De notre côté, nous devons rester plus vigilants que jamais et, si le CETA entre un jour en vigueur, dénoncer toute conséquence néfaste. De même, nous attendons de pied ferme, dans nos campagnes et nos villes, la racaille de la fracturation hydraulique et des OGM.

Quant à vous, fossoyeurs de nos démocraties, aliénés de la croissance et apôtres de la surconsommation, vous, les Juncker, Trudeau, Valls, Rajoy, Merkel et consorts, n’oubliez pas que c’est à un barbu ignorant et très riche, qui a fait tomber des tours, que vous êtes redevables de la facilité avec laquelle vous parvenez aujourd’hui à imposer vos politiques aveugles, imbéciles et suicidaires. Car si celui-là n’avait pas fait peur à tout le monde, rien n’aurait arrêté les mouvements citoyens altermondialistes de la fin des années 90 – et surtout pas vos brutes casquées. Rappelez-vous Seattle, Gênes, Davos, Genève, Bruxelles, lorsque la multitude colorée et porteuse d’espoir vous assiégeait lors de tous vos rendez-vous !

Nous sommes moins nombreux qu’alors, mais nous n’avons pas perdu notre motivation – bien au contraire !

La Suisse n’adhère pas au CETA, puisqu’elle n’est pas membre de l’UE. Qu’importe, car chez nous c’est déjà pire : il n’y a qu’à entendre le chantage lamentable du patron d’AXPO de demander 4.1 milliards de francs de dédommagement à la Confédération dans le cas où les citoyens suisses accepteraient l’initiative populaire « Pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire » le 27 novembre prochain… On croit rêver – ou plutôt cauchemarder : une entreprise faisant la leçon à un pays, dictant ses conditions à tout un peuple. Qu’on ne vienne donc pas nous raconter que l’économie est au service de la société.

C’est plutôt nous qui devrions lui demander réparation pour les tonnes de déchets radioactifs que ses usines ont produites ! Allez, qu’on donne un balle à ce pauvre type et qu’on ferme ces centrales de la mort !

nucléaireVoilà en tout cas une nouvelle qui doit réjouir notre ministre de la télé obligatoire, des tunnels transalpins anticonstitutionnels et de l’atome, Doris Leuthard. Le lobby du nucléaire a bien fait son travail depuis Fukushima…

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