Alerte pollution sur Rhône-Alpes et Genève

Une grave pollution aux particules fines (pm10) sévit sur la région Rhône-Alpes (F) et le bassin genevois (CH) depuis fin novembre. La France prend des mesures de modération du trafic, mais en Suisse, on ne se donne même pas la peine d’informer la population…

A Genève, la valeur limite journalière de 50 microgrammes par mètre cube définie par l’Ordonnance sur la protection de l’air (OPair) a été dépassée 7 fois sur les 14 derniers jours : les 29 novembre, 3, 4, 9, 10, 11 et 12 décembre (voir tableau ci-dessous, ajouté le 17 décembre). Selon l’OPair, le seuil de 50 microgrammes ne doit pas être dépassé plus d’une fois par année…

pollutionEn Rhône-Alpes, la situation varie selon la densité de la population et la présence d’axes routiers. Ainsi, dans l’ensemble des régions de plaine et de vallée, des taux très élevés de pollution sont observés depuis plusieurs jours. En conséquence, les 8 départements de la région (Ain, Haute-Savoie, Savoie, Isère, Rhône, Drôme, Ardèche, Loire) sont placés en alerte pollution de niveau 1 ou 2 ce 12 décembre, ce qui signifie que des mesures de modération du trafic sont entrées en vigueur : abaissement de 20 km/h de toutes les limitations de vitesse supérieures à 70 km/h.

Pour rappel, les particules fines (abrégées « pm » d’après l’anglais « particulate matter ») sont des micro-éléments solides d’origine anthropique présents dans l’air et constituant un risque sanitaire pour l’homme, selon l’OMS : altération de la fonction respiratoire, maladies cardio-vasculaires, cancer du poumon. Ces particules sont émises principalement lors d’une combustion (véhicules à moteur, chauffages, industrie) ou de processus mécaniques (abrasion, frottements). D’un diamètre égal ou inférieur à dix millièmes de millimètre, les pm10 restent en suspension dans l’air et, lorsqu’elles sont inhalées, pénètrent jusque dans les alvéoles pulmonaires.

Les particules fines s’accumulent rapidement dans les basses couches lors des situations anticycloniques d’hiver avec inversion thermique. L’air froid, plus lourd, stagne alors dans les plaines et vallées, tandis que l’air est doux en altitude. Les masses d’air restent statiques, sans brassage, et tous les polluants émis au-dessous de l’altitude d’inversion restent piégés, qu’il y ait du stratus, du brouillard, ou même un ciel tout bleu. Peu après que j’aie pris la deuxième photo ci-dessous, mon thermomètre mesurait 23 °C au soleil, à l’abri du vent, tandis que la température maximum enregistrée ce jour-là sous le brouillard à Genève était de 0.3 °C.

pollutionpollutionAu huitième jour de dépassement des valeurs limites dont quatre consécutifs depuis lundi, il est totalement inacceptable que les autorités genevoises n’informent pas la population sur le risque sanitaire qu’elle encourt. Cela est d’autant plus incompréhensible quand on sait que dans les régions françaises limitrophes le niveau d’alerte a été activé, signifiant non seulement l’obligation d’informer la population sur la situation, les risques, ainsi que les comportements à adopter ou éviter, mais également l’application de mesures de modération du trafic routier. L’air est autant pollué des deux côtés de la frontière, mais seules les autorités françaises s’en soucient ! Et agissent !

Comble de l’ironie (et de l’aliénation journalistique) : la radio suisse romande La Première a diffusé aujourd’hui dans le Journal de 12h30 un reportage sur la pollution aux particules fines… en Chine ! Mais pas un mot sur la situation ici.

Évidemment, nous savons pourquoi la Suisse tient autant à des normes complaisantes à l’égard des pollueurs : ce sont ici les lobbies de la bagnole (TCS en tête), de l’industrie du pétrole et des commerçants du centre-ville qui dictent au Conseil d’État sa politique en matière de mobilité. Un concept de mobilité arriéré fondé sur une complémentarité-alibi totalement irréalisable, dans la mesure où les rues ne sont pas extensibles à l’infini, et qui a pour effet d’empêcher tout réel développement des transports publics ainsi que des aménagements destinés à la mobilité douce.

Après une baisse des concentrations toxiques prévue durant le week-end, en raison du passage d’une perturbation peu active, il y a de fortes probabilités que les taux de pollution dépassent à nouveau les valeurs limites entre lundi 16 et mercredi 18 décembre, tant en Rhône-Alpes qu’à Genève. Vérifiez-le ici.

Sur le long terme, la situation n’est guère plus réjouissante à Genève, puisque les valeurs limites annuelles de l’OPair pour les particules fines et le dioxyde d’azote sont constamment dépassées depuis des années (voir lien suivant). Et en ce qui concerne l’avenir, il est tout à fait rassurant de constater que le Plan de mesures OPair 2013-2016 adopté par le Conseil d’Etat genevois le 27 février 2013 prévoit que les concentrations annuelles de pm10 vont continuer de dépasser les valeurs limites jusqu’en 2020 au moins…

Si vous pensez comme moi que des politiques aussi démissionnaires doivent être dénoncées avec la plus grande vigueur, interpellez les autorités genevoises et exigez des réponses à votre questionnement légitime !

Services à contacter (adresses électroniques et numéros de téléphone sur les pages des sites) :

Service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (SABRA)
Promotion de la santé et prévention
Service de santé de l’enfance et de la jeunesse (SSEJ)
Office de l’enfance et de la jeunesse (OJ)

Mise à jour 13 décembre : troublant le silence ambiant, les quotidiens suisses Le Courrier et Le Temps ont publié chacun un article traitant de cette pollution aujourd’hui.

Mise à jour 17 décembre : alors que les taux de pm10 ont encore dépassé les valeurs limites hier et aujourd’hui, les Verts genevois ont publié un Communiqué de presse ce mardi.

Mise à jour 23 décembre : l’épisode de pollution aiguë s’est achevé le 19 décembre, grâce à l’arrivée d’une perturbation atmosphérique. Mais ne rêvez pas : l’air que nous respirons à Genève et dans les vallées de Rhône-Alpes est durablement pollué, au-delà des seuils recommandés par l’OMS et l’OPair suisse (20 microgrammes par mètre cube). Seul un changement radical des comportements individuels, notamment en matière de mobilité, permettra une amélioration sensible de la qualité de l’air. Alors faites comprendre aux vendus qui nous gouvernent que vous en avez assez, et apportez votre bagnole à la casse !

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