Réservation vélo obligatoire : lettre ouverte aux CFF

Les CFF ont décidé de rendre la réservation obligatoire pour les vélos dans tous les trains longue-distance dès le printemps. De nombreux cyclistes considèrent que cette dégradation de nos conditions de mobilité n’est pas acceptable de la part d’une entreprise de transports publics aux mains de la Confédération et le font savoir.

Il est urgent de faire évoluer notre mobilité pour lutter contre le réchauffement climatique et ce n’est pas en décourageant certains usagers des transports publics de s’adonner à une pratique sportive bonne pour la santé et neutre pour l’environnement qu’on y parviendra !

Transporter sans délai davantage de vélos dans la plupart des trains est possible, sans nous pourrir la vie ni nous faire payer plus cher. Le confort n’a pas d’importance.

Le développement de la complémentarité rail-vélo devrait depuis longtemps constituer un objectif stratégique prioritaire pour les entreprises de transports publics.

C’est ce que j’ai tenté de faire entendre aux CFF, par le biais d’un courrier au directeur général, M. Vincent Ducrot, dont une copie est publiée ci-dessous. N’hésitez pas à leur adresser vos propres arguments, afin qu’ils reviennent sur cette décision rétrograde et profondément débile.

Merci pour votre mobilisation faveur d’une mobilité moderne, responsable et respectueuse de l’environnement.


COURRIER RECOMMANDÉ
Monsieur Vincent Ducrot
CEO
Chemins de fer fédéraux suisses CFF
Hilfikerstr. 1
3000 Berne 65

Concerne : projet de réservation obligatoire pour les vélos dans les trains longue-distance

Monsieur,

ayant récemment pris connaissance du projet des CFF de rendre la réservation obligatoire pour les vélos dans les trains longue-distance, je vous adresse quelques observations, dans l’espoir qu’elles encourageront votre entreprise à tenir davantage compte des intérêts de sa clientèle cycliste et d’œuvrer plus efficacement à la nécessaire transition vers une mobilité responsable.

1. La décision des CFF s’inscrit, de manière incompréhensible, à contre-courant de toutes les mesures récentes en faveur de la mobilité douce, que ce soit en ville ou à la campagne : je pense en particulier à la création massive de nouvelles pistes cyclables durant la pandémie, à l’autorisation du «tourner à droite» aux feux de signalisation, ainsi qu’aux travaux de modération du trafic motorisé.

2. L’obligation de détenir une réservation pour les vélos pénalise lourdement une catégorie de citoyens ayant choisi une pratique sportive respectueuse de l’environnement et de la santé. Tandis que nos villes sont encombrées de gros 4×4 et les routes de montagne envahies par des hordes de motards, nous tenons à ce que notre droit à une mobilité responsable nous soit reconnu ! Une sortie cycliste n’a la plupart de temps pas de terme défini : seuls l’état de fatigue et les conditions météo déterminent le moment du retour, ainsi que l’éventuelle nécessité de prendre un train. Ni la gare, ni l’heure ne peuvent donc être anticipés. Le cas échéant, nous achetons un billet à l’automate et sautons dans le train. Aller faire la queue 20 minutes au guichet n’est pas une option sérieuse, d’autant moins avec un vélo couvert de boue et en temps de pandémie. Quant aux moyens numériques, nous n’en disposons pas tous – fort heureusement, la loi nous permet encore de vivre une partie de la vie sans écran interposé, en particulier quand nous partons une journée dans la nature.

3. Les réservations sont déjà obligatoires sur les ICN depuis de nombreuses années et je me souviens de tous les épisodes de galère que cela m’a causés, notamment pour rentrer de Bâle à Genève. Résultat : je ne me rends qu’à vélo dans ces régions jurassiennes que j’aime tant et si j’ai besoin de prendre le train, je n’ai accès qu’aux lignes régionales.

4. Les conditions de transport des vélos dans les trains des CFF sont déjà largement dégradées, alors même que nous payons davantage que les autres voyageurs : combien de fois avons-nous trouvé des montagnes de bagages sur les emplacements pour vélos, ou des poussettes, ou encore des voyageurs debout, le regard vissé dans leur écran et ne libérant pas l’espace pour lequel nous avons acheté un billet ?

5. Nous n’exigeons qu’une seule chose de la part d’une entreprise de transports publics appartenant à la Confédération : pouvoir voyager librement après avoir payé le prix du trajet. Nous ne demandons ni voitures de luxe, ni prises électriques, ni wifi, ni messages de bienvenue en quatorze langues, ni ponctualité à la minute, ni trajets à 200 km/h… Nous sommes des sportifs et n’avons pas nécessairement besoin de voyager assis, si la place fait défaut.

6. Le manque d’anticipation des CFF quant à l’affluence de vélos dans les trains n’est pas excusable et trahit une planification déficiente : depuis combien d’années parle-t-on du réchauffement climatique et de la nécessité de modifier nos habitudes de mobilité ? Faut-il encore rappeler que les transports motorisés sont responsables de 40 % des émissions de CO2 en Suisse, et que cette part est en augmentation constante depuis les années 1990¹ ? Dans ce contexte, n’est-il pas légitime de s’attendre à ce qu’une entreprise de transports publics aux mains de la Confédération assume sa part et favorise le transport des adeptes de la mobilité douce, plutôt que de leur compliquer la vie ? Ou bien souhaitez-vous que dans ce pays bien trop riche davantage de gens se ruent sur leur bagnole ou leur moto pour leurs loisirs ?

7. Je n’ai aucunement l’intention de me substituer aux stratèges de la hiérarchie des CFF, mais des solutions peuvent être trouvées sans attendre des décennies la commande et la livraison de nouveau matériel roulant. Dans les trains intercity à deux étages (IC2000), la capacité de chargement des vélos peut être doublée en démontant (saisonnièrement si vous voulez) tous les sièges dans les voitures pour cyclistes et en les remplaçant par des strapontins. En cas d’affluence, nous voyagerons debout, mais nous pourrons rentrer chez nous sans devoir prendre trois trains régionaux. La même solution peut être appliquée aux trains InterRegio, par exemple dans la voiture de queue. Pour davantage de justice sociale et de capacité, on peut choisir de remplacer les voitures de 1ère classe par des wagons sans sièges pour cyclistes. Il n’y a malheureusement aucune possibilité en ce qui concerne les ICN, trains rétrogrades conçus durant la préhistoire de la mobilité ferroviaire, lorsque seul le temps de parcours comptait…

8. De manière très provisoire, pour l’année en cours, nous pouvons nous acquitter d’une réservation pour le vélo sur les trains longue-distance, aux conditions suivantes :
– achat de la réservation possible sur les automates en gare jusqu’à l’heure du départ ;
– montant de la réservation déduit du prix du billet vélo ou de la carte journalière (aucune augmentation de tarif par rapport à la situation actuelle) ;
– augmentation concrète du nombre de places vélos dans toutes les compositions de train, dès l’entrée en vigueur de la réservation obligatoire.

[J’ajouterais aujourd’hui : accès aux voitures munies du logo vélo réservé aux détenteurs d’un billet pour vélo.]

9. Dans le cas d’une augmentation permanente du nombre de vélos dans les trains, peut-être faudra-t-il opérer une distinction dans les conditions de prise en charge de deux catégories de vélos : les vrais, et ceux qui ont un moteur.

Au terme de ce courrier, il me reste à préciser que je suis titulaire de l’abonnement demi-tarif des CFF pratiquement sans interruption depuis la fin des années 1980 et donc un client régulier et fidèle. Si c’était possible, je m’abonnerais à vie, car comme bien d’autres citoyens de ce pays j’ai décidé de vivre sans moteur. Aussi, j’ai l’espoir que cet appel, ainsi que les nombreuses interpellations qui vous ont été transmises par des cyclistes, seront entendus.

Nous prenons soin du monde, de notre santé, et payons déjà très cher pour faire quelques malheureux kilomètres en train. Par conséquent, nous n’accepterons pas que notre mobilité soit dégradée pour quelque raison que ce soit – en particulier une planification déficiente.

Je vous remercie pour votre attention et votre considération et, dans l’attente de votre réponse, vous prie de recevoir, Monsieur, mes salutations les meilleures.

Signature

¹ Source : https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/mobilite-transports/accidents-impact-environnement/impact-environnement.html

Ce courrier est publié en qualité de lettre ouverte sur mon site internet (www.europebybike.info).

Des copies sont en outre adressées, par courrier électronique, à :

– Office Fédéral des Transports, Berne
– Pro Velo Suisse
– actif-trafiC
– ATE Association transports et environnement
– ATE Bureau romand
– Mme Delphine Klopfenstein-Broggini, Conseillère nationale
– Les Verts genevois
– Les Verts fribourgeois
– Les Verts neuchâtelois
– Les Verts jurassiens
– Les Verts valaisans
– Les Verts bernois
– Les Verts vaudois
– Les Jeunes Vert-e-s
– M. Théodore Savary, Les Jeunes Vert-e-s Romandie
– Les Verts suisses
– Parti Socialiste Suisse
– Jeunesse Socialiste Suisse
– Parti Socialiste Genevois
– solidaritéS Genève
– solidaritéS Vaud
– solidaritéS Neuchâtel
– solidaritéS Fribourg
– Greenpeace Suisse
– FRC Fédération Romande des Consommateurs
– cycliste.ch
– bikinvalais.ch
– mon réseau personnel


train et vélotrain et véloLiens utiles :

On en parle, émission de La Première, 7 décembre 2020

Publications de Delphine Klopfenstein Broggini, conseillère nationale et vice-présidente de PRO VELO Suisse

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