Tristes nouvelles du monde

On aurait pu espérer, après un début d’année particulièrement débile, que l’on allait se réveiller de notre torpeur hivernale, de l’aliénation dans laquelle nous plongent à longueur de temps médias vendus et publicitaires. Las !

En ce début d’année marqué par des événements dramatiques qui nous ont rendus encore plus aliénés, il est bon de marquer une pause et de jeter un regard critique sur l’actualité récente et, de manière plus large, sur l’évolution de nos sociétés.

En janvier, la France traumatisée se rassemblait pour clamer haut et fort son attachement aux valeurs fondamentales de la République que constituent la démocratie et la liberté d’expression. Les paroles de fraternité, de tolérance et d’ouverture ont tourné en boucle pendant des jours, avant que les « experts » en tous genres ne viennent faire étalage de leur expertise, jusqu’à la nausée – sécurité, répression, éducation, religion, laïcité, immigration, intégration, « quartiers », géopolitique…

Tout a été mis sur le tapis. Les pauvres journalistes ne parvenaient plus à reprendre leur souffle. Le monde allait forcément s’améliorer.

Un mois plus tard, la France officielle et médiatique s’est enthousiasmée pour la conclusion d’un contrat de vente d’armement à une République amie, démocratique et méritante, l’Égypte – dont le président a pris le pouvoir à la faveur d’un coup d’état militaire. C’était émouvant d’entendre à la radio les représentants syndicalistes verser des larmes de joie à l’idée des 5 milliards d’Euros que va rapporter la vente de ces 24 avions de guerre à un pays, classé 112e mondial selon l’indice de développement humain (IDH), qui n’a évidemment pas besoin de cet argent pour améliorer l’accès de sa population à l’éducation, à la santé, à des logements décents ou prendre des mesures de protection de l’environnement.

Qu’importe, finalement, que les Égyptiens rament dans leur vie quotidienne, du moment qu’on peut leur vendre notre saloperie !

Marrant que ce soient ces immenses et resplendissants défenseurs des libertés, ces grands donneurs de leçon, qui aujourd’hui éclatent de joie en anticipant le petit sursaut de croissance (le mot magique) que devrait leur assurer cette vente d’armes à un régime brutal et vindicatif. Ou plutôt pas marrant du tout.

Les pays riches prospèrent en vendant des armes aux pauvres – et personne ne trouve rien à redire. L’argutie de la patronne d’Europe Écologie relative au « ratage industriel » du Rafale laisse sans voix.

Ça me rappelle un peu quand on faisait la même chose avec cet autre grand ami de la liberté, Saddam.

Ça me rappelle aussi quand on a soutenu le coup d’état militaire de janvier1992 en Algérie, et l’annulation du processus électoral alors en cours. La guerre civile qui s’en est suivie a duré une décennie et fait entre 60’000 et 150’000 victimes…

Le prochain client potentiel sur la liste de Dassault Aviation (et du grand socialiste Hollande) est l’Inde, l’Inde de Modi et des fondamentalistes hindous du BJP, classée 136e selon l’IDH – allez vous y balader, pour savoir ce que cela veut dire ! Au cours des dernières décennies, le Bharatiya Janata Party (BJP), influencé par le discours ultranationaliste et fasciste du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) qui le soutient, n’a cessé d’attiser les conflits intercommunautaires dans ce pays. J’ai personnellement assisté à plusieurs déchaînements de violence au Rajasthan en 1990, provoqués par la tournée électorale et les discours haineux du candidat BJP d’alors, Lal Krishna Advani.

Plus d’infos à propos du BJP et du RSS sur les liens suivants :

https://en.wikipedia.org/wiki/Bharatiya_Janata_Party
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bharatiya_Janata_Party
http://en.wikipedia.org/wiki/Rashtriya_Swayamsevak_Sangh
http://fr.wikipedia.org/wiki/Rashtriya_Swayamsevak_Sangh
http://www.bastamag.net/En-Inde-contre-les-tisons
Recherche d’images sur Google : RSS India

Rashtriya Swayamsevak SanghLe suivant sera le Qatar – pas pauvre pour le coup, mais pas tellement démocratique non plus : seulement 36e selon l’IDH, malgré des océans de dollars et la folie des grandeurs.

Amis français : nous ne faisons pas mieux en Suisse ! Face aux mensonges et aux moyens illimités des milieux économiques, l’initiative populaire du Groupe pour une Suisse sans armée visant à interdire l’exportation de matériel de guerre a échoué devant le peuple aliéné, en 2009. Comme toujours, on nous a fait le coup des places de travail en jeu – ça marche à tous les coups. Chacun s’est mis à la place de ce brave père de famille qui risquait son emploi et ne pourrait plus surconsommer tranquillement avec sa petite famille. Face à un tel enjeu (!), qu’est-ce qu’on peut en avoir à faire de ceux qui prendront les bombes sur le coin de la gueule, ou de ces millions de personnes qui continueront de vivre des vies misérables parce que leur gouvernement aura préféré claquer « son » fric pour acheter des armes et faire plaisir aux Occidentaux, plutôt que de prendre soin de sa population ?

Heureusement, un sursaut de lucidité anime parfois les électeurs : en mai 2014, le même peuple suisse a envoyé au diable le projet d’achat de 25 avions de combat de son (tout petit) ministre de la guéguerre ! Plus de 3 milliards qui n’iront pas dans les poches des salopards de marchands d’armes…

Mais le pire est ailleurs : c’est le grand retour de l’AMI (Accord multilatéral sur l’investissement, qu’une mobilisation populaire sans précédent avait envoyé valser en 1998), sous un autre nom, actuellement en discussion entre les Etats-Unis et l’Europe, avec le concours bienveillant des lobbies les plus respectables.

La mise en application des accords TAFTA (Transatlantic Free Trade Abracadabra), négociés en toute discrétion, fera de notre avenir un enfer au service de la grosse machine à produire du fric et à engraisser les conglomérats de pilleurs planétaires.

Conçus sur le même modèle, les accords NAFTA lient depuis le milieu des années 90 les USA, le Canada et le Mexique. Le Québec, qui a interdit sur son territoire la fracturation hydraulique pour l’exploitation des gaz de schiste est poursuivi, en vertu du chapitre 11 de NAFTA, devant un « tribunal arbitral » par la firme qui souhaite exploiter ces ressources et qui demande au gouvernement canadien (donc au peuple canadien) un dédommagement de 250 millions de dollars… Juste un exemple.

Restons debout et parlons-en autour de nous.

http://france.attac.org/se-mobiliser/le-grand-marche-transatlantique/
http://www.citizen.org/tafta
http://www.collectifstoptafta.org/