Le printemps à Noël

J’annonçais l’arrivée de l’hiver dans mon dernier article, mais celui-ci n’aura duré que quelques jours : le mois de décembre a été printanier, en particulier en montagne, où de nombreux records de température ont été battus. Selon MétéoSuisse, 2015 a connu le mois de décembre le plus chaud depuis le début des mesures en 1864 ! L’écart par rapport à la norme 1981-2010 a atteint +6 degrés dans trois stations de mesure situées dans les Alpes ; sur l’ensemble du territoire helvétique, l’excédent thermique moyen se monte à +3.4 degrés…

Les relevés de ces dernières années montrent que le climat suisse se réchauffe rapidement, avec trois épisodes marquants quasi successifs : 2011 et 2014 ont présenté un écart par rapport à la norme 1981-2010 de +1.2 degré, mais 2015 a fait « mieux » avec une anomalie de +1.3 degré (source : MétéoSuisse).

Les graphiques parlent souvent mieux que les mots, et en particulier ceux-ci :

Fort heureusement, la rédaction d’un accord global à la récente Conférence des Nations Unies pour le Climat (COP21), finalisé grâce à la médiation désintéressée des lobbies des énergies fossiles, nous garantit le retour prochain des hivers hivernaux, l’avancée des glaciers et la baisse du niveau des océans. Nous voilà rassurés !

A peine le show terminé, on a vu revenir au galop dans tous les médias le mot magique, garant d’une augmentation sans fin des émissions de gaz à effet de serre et, partant, de la température mondiale : croissance, croissance en 2016, croissance pour toujours…

D’ailleurs, ça tombait bien, Noël arrivait. Les foules ont pu se ruer à l’assaut des magasins, remplir des coffres de bagnole de saloperies inutiles en prévision de la célébration de la plus commerciale et matérialiste de nos « fêtes ». De leur côté, les médias publics et privés ont une fois de plus largement contribué à soutenir l’hystérie consumériste, en diffusant en boucle des sujets relatifs aux « achats de Noël », aux « cadeaux les plus recherchés » et autres conneries, dans lesquels on interroge des gens dans les magasins… Ça, c’est de l’info ! À l’écoute de ces sujets, on ne peut que s’enorgueillir d’appartenir à une civilisation si hautement évoluée…

Honte à moi, qui n’ai pas fait de cadeaux, pas gâté les enfants, pas bousculé mes semblables à l’entrée des temples de la Très Sainte Consommation, qui ne me suis pas gavé comme une oie et qui n’ai pas emporté mes vieux skis pour glisser sur des tas de neige artificielle¹ au milieu des verts alpages !

Mes résolutions pour 2016 sont claires : consommer moins, pédaler plus. Et résister, avec tous ceux qui n’ont pas encore abdiqué leur citoyenneté. Sur le plan de la lutte contre le réchauffement climatique, cette résistance passera notamment par le rejet du projet de construction d’un 2e tunnel au Gothard et les actions prévues en mai 2016 à l’échelle mondiale contre l’industrie des énergies fossiles (voir cette page).

Mais ma première priorité restera de profiter autant que possible de cette nature magnifique que l’humain, par ignorance et vanité, détruit. Je vais continuer de filer dès que possible au fond de la brousse silencieuse, que ce soit pour un long voyage ou juste quelques heures hors de la ville.

Et plutôt que de faire la gueule parce que l’hiver ne vient pas, je suis monté à vélo pour quelques jours de vadrouille dans les Alpes – une première à cette saison. Quel bonheur de sortir de l’infect brouillard lémanique pour retrouver la limpidité du ciel bleu profond de décembre ! Malgré la rapide densification des constructions sur la rive droite du Rhône, j’apprécie toujours autant le parcours Fully – Saillon sur le Chemin du vignoble (Suisse à vélo N°72). Mais pas question de s’offrir une sieste au soleil : fin décembre, la journée est très courte, et je ne veux pas monter de nuit dans le Val d’Hérens.

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ValaisEn altitude, j’ai déjà fait plusieurs balades sur les chemins et sentiers du Val d’Hérens, montant jusqu’à 2150 m. Il y a de la vieille neige dure au-dessus de 1800 m sur les passages orientés au nord et de la glace aux endroits piétinés épisodiquement exposés au soleil. À la montée, il est parfois nécessaire de pousser le vélo, mais en descente on peut rester en selle tout le long – sauf quand on chute dans la neige ! Le plus traître, ce sont les plaques de glace recouvertes d’aiguilles de mélèze ou de poussière et qu’on ne remarque pas.

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ValaisLà où il n’y a ni neige, ni glace, les chemins sont totalement secs et ça roule tout seul.

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ValaisDe l’autre côté du Rhône, j’ai eu la chance de parcourir un bout de la mythique route de Derborence, au départ d’Erde, puis Aven. J’étais déjà monté à vélo jusqu’à Derborence depuis Conthey, mais c’est autre chose lorsque la route est fermée à toute circulation et donc déserte, à part quelques randonneurs et cyclistes. Il y a pas mal de pierres sur la chaussée sur les tronçons exposés et aussi quelques magnifiques amoncellements de feuilles mortes. Le ravin vertigineux au fond de laquelle coule la Lizerne est toujours aussi impressionnant, en particulier lorsqu’on le contemple depuis les « fenêtres » ouvertes dans les parois de la première série de tunnels, juste après Maduc. Mieux vaut d’ailleurs retirer ses lunettes de soleil avant d’entrer dans les tunnels, car certains sont plutôt sombres.

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ValaisAu-delà de ces tunnels, il y avait encore plus de pierres sur la route et j’ai décidé de rebrousser chemin – ce que je regrette un peu aujourd’hui : j’aurais dû monter à Derbo !

Pas grave, puisque après le pique-nique à la Chapelle St-Bernard (31 degrés au soleil le 28 décembre !!!) m’attendait à Aven le chouette chemin du Bisse de la Tsandra, que j’ai suivi jusqu’à la route du Sanetsch : un parcours facile dans un environnement naturel assez différent de celui dont j’ai l’habitude sur la rive gauche du Rhône, avec notamment de nombreux pins.

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ValaisMétéoSuisse annonce de la neige pour ces prochains jours, mais les quantités devraient rester relativement modestes. On verra bien si je peux continuer sur deux roues ou s’il faudra emporter les raquettes.

Bonne Année 2016 à tous, dans la nature !

Les photos de cet article peuvent être visionnées en diaporama sur Piwigo.

 

¹ Les vendeurs d’abonnements et autres relais de l’industrie touristique lui donnent aujourd’hui le nom de « neige de culture » : ça fait plus chic, mais cela reste un désastre écologique en termes de consommation d’eau et d’énergie. Sans parler des effets à long terme sur la végétation, ni de ceux, encore inconnus, d’une bactérie que l’on ajoute parfois à l’eau pour faciliter sa cristallisation. Par ailleurs, c’est assez instructif de voir les maniaques du commerce et les bétonneurs d’élite, champions du réchauffement climatique, chercher des solutions pour continuer à vendre de l’hiver aux foules motorisées… Quand il s’agit de faire du fric, on n’est pas à une contradiction près !

8 réflexions sur « Le printemps à Noël »

  1. Salut Raph,
    « Comment pouvons nous posséder la terre, alors que c’est la terre qui nous possède. »
    « La richesse naturelle de la Terre n’incite pas à l’enfermement ni à la sédentarité… » « … Plus que jamais, je sais que la saveur du voyage n’est pas du point A au point B. C’est ce qu’il y a entre les deux… »  » « Le cycliste comme le nomade, ne trouve son équilibre que dans le mouvement. » Phrases écrites par l’écocycliste Guillaume Miot.
    A tantôt, LaBise, LaRé

    • Yep Régine, voilà quelques mots empreints de sagesse et de lucidité, merci de les partager ici. Du coup, je pense que l’on peut mettre le lien vers le livre de Guillaume Miot que tu m’as transmis l’autre jour : http://parcheminsdeterre.free.fr/

      Faudrait sans doute faire quelque chose sur le site à propos de ce projet, mais je ne sais pas où trouver le temps – sauf à sacrifier des balades, ce qui est évidemment hors de question :-)…

      À bientôt, bises.

  2. Bonjour Raphaël,

    Voilà une conclusion de l’année 2015 aussi brillante que réaliste! Depuis un moment d’ailleurs, je m’étonnais que tu ne t’alarmes pas des températures à vue de nez bizarres de ces derniers mois.
    Merci d’avoir sélectionné des données chiffrées, officielles et parlantes (!), pour nous présenter un état de situation objectif.
    Personnellement, je n’ai pas besoin des statistiques de Météo Suisse pour savoir que 2015 est l’année la plus chaude que j’ai jamais vécue, mais c’est toujours agréable de voir ses impressions confirmées par les sciences sérieuses; et surtout, pour oser parler aux négationnistes (il en existe… j’en ai rencontrés tout récemment au Val d’Hérens), on a besoin absolument d’avoir quelques chiffres dans ses bagages.

    En balade par Vernec le 28 décembre, les amis avec qui j’étais m’ont fait remarqué dans la neige glacée la trace d’un téméraire extrême passé par là à vélo. J’ai dit que j’avais éventuellement idée de qui ça pouvait être.

    Que ce soit en pédalant sur les sentiers de montagne les plus aventureux ou jusqu’au bout de l’Europe, ou en inspirant de ta plume affûtée d’intelligentes résolutions à des lecteurs en chemin pour le changement, je te souhaite de continuer sans jamais te décourager à faire briller la lumière de la raison.

    Que 2016 t’offre des milliers de bonheurs dans la nature!

    Florence

    • Merci Florence. J’avais bien remarqué que le climat était détraqué, mais je ne peux pas passer mon temps à en profiter dehors et en plus bosser sur le site 🙂

      J’ai oublié où se trouve Vernec, mais je peux te dire que je ne suis pas tout à fait le seul cycliste à arpenter le beau Val en cette saison : j’ai vu ici ou là des traces de pneus qui n’étaient pas les miennes, Caramba !

      Depuis deux jours, le décor a changé, mais avec la chaleur du soleil les prés seront sans doute bientôt à nouveau tout verts ! J’ai tourné quelques images en mouvement sur le sentier Volovron-Eison enneigé et espère pouvoir les monter, puis les publier d’ici quelques jours.

      Bonnes vadrouilles à toi aussi.

  3. Merci
    Je découvre et c’est vraiment un immense plaisir de voir des personnes avec les mêmes idées et la même approche de la nature …
    Encore merci ….
    Le polak

  4. Bonne année Raph !
    Merci de ton amitié et de me (nous) rappeller 2 ou 3 trucs essentiels
    Et salutations de Chaumont où nous dormons toute la journée sous la pluie ! On est venus hier avec Steph depuis Plan les Ouates ! Sans vélos !

    • Merci Fab !

      Vous êtes donc en route pour St-Jacques-de-Compostelle ? Trop cool ! Et à cette saison, vous aurez la paix dans les gîtes. Ici, la montagne commence tout juste à blanchir… Joli aussi.

      Belle route et à bientôt !

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