Noël en short

Rouler en short le jour de Noël, c’était une première ! Bien sûr, avec une température minimale de 9 degrés cet après-midi-là, il n’y a rien d’héroïque. D’ailleurs, j’avais déjà laissé mon pantalon long dans l’armoire lors de plusieurs sorties depuis le 26 novembre, tant en plaine qu’en montagne, où la neige n’en finissait plus de fondre et d’inonder pâturage et chemins. Mais on a beau être au courant de ce qui se passe en matière de climat, on se surprend soi-même à vadrouiller en tenue légère à pareille saison.

Genève

Les situations météo dynamiques par courant d’ouest ont cet automne épargné la formation de stratus sur le bassin lémanique, à quelques rares jours près. On s’en réjouit pour la nature, parce que les précipitations ont permis de rattraper quelque peu le déficit hydrique, mais aussi pour nous, car nous avons pu continuer de respirer normalement. En effet, les concentrations de pollution deviennent vite toxiques sous le brouillard dans une région très peuplée, hyper-motorisée et entourée de reliefs.

Après un 26 octobre exceptionnel, avec des températures élevées en montagne (j’ai mesuré un minimum de 7 degrés, alors que j’ai passé la journée entre 900 et 2800 m !), la neige est arrivée en moyenne montagne dès début novembre. J’ai donc ressorti l’attirail de cosmonaute pour aller rouler dans les reliefs blanchis avant que la couche ne soit trop épaisse. Les alpages et sentiers du Salève sont de grands classiques à deux pas de Genève (le col de la Croisette est à 1h30 de vélo du centre-ville), avec notamment une descente grisante sous le Plan, mais il y a plus de place dans le Jura.

SalèveIl faut 2 heures de pédalage sportif pour couvrir via Divonne les 41 km entre Genève et les gorges de Moinsel, porte d’entrée idéale dans le fascinant monde forestier et pastoral du Jura vaudois.

JuraOn peut aussi sauter dans le train jusqu’à la halte de Bassins (changement à Nyon, 47 minutes au total) pour économiser ses ressources physiques. La montée par la route des Amburnex est facile et agréable, car il n’y a pratiquement pas de trafic à cette saison, mais en l’absence de service hivernal peut réserver quelques surprises, en particulier neige et verglas dans la forêt et les passages à l’ombre.

Jura

JuraA la Dunanche (1130 m), toutes les options sont ouvertes :

  • continuer par la route jusqu’au Marchairuz, avec éventuellement boucle hors goudron, puis revenir par Jura Bike (Suisse à VTT 3), ou descendre vers la Côte par Berolle-Ballens-Aubonne / St-George-Gimel-Essertines / Longirod-Marais des Inversins-Prévondavaux-Essertines / Marchissy-Burtigny-Gilly / Le Vaud-Bassins-Genolier (Suisse à vélo 50)
  • prendre Jura Bike et des routes forestières pour explorer les fermes d’alpage du versant sud de la Haute chaîne (les Chenevières, les Echadex, Petit Pré de Rolle, Pré de Rolle) ainsi que la glacière de St-George (attention !)
  • monter jusqu’à la ferme du Crot, puis pousser le vélo en montée sur le Chemin des Crêtes du Jura (Suisse à pied 5) jusqu’à l’alpage du Planet, continuer jusqu’à la Perroude de Marchissy, le Crêt-de-la-Neuve et le Marchairuz
  • rebrousser chemin par l’alpage des Frasses, l’ancienne chartreuse d’Oujon, la Chèvrerie, puis les sentiers et chemins forestiers jusqu’à Gingins
  • ou un mix de tout ça, voire d’autres chemins pas encore explorés…

Bien sûr, le choix d’un itinéraire dépend de la hauteur de neige et les options évoquées deviennent toutes plus ou moins impraticables en plein hiver, sauf si l’on est prêt à porter le vélo – ce que je fais parfois lorsque j’ai besoin d’échapper au stratus et que la neige est sèche, même s’il y en a trop pour rouler…

Rappelons que les piétons sont prioritaires sur les sentiers et qu’une bonne entente entre explorateurs sans moteur est essentielle pour que nous puissions continuer à déambuler librement dans la nature. Ceci dit, à cette saison, des piétons, yen a pas beaucoup et ceux que l’on croise malgré tout sont plutôt souriants à l’approche du vététiste roulant (ou portant) dans un pâturage tout blanc.

Je garde de ces 700 km dans le Jura et 200 au Salève le souvenir d’innombrables moments de pur bonheur et de sérénité gagnés au prix d’un effort physique essentiel. Ainsi ces pauses devant les fermes d’alpage surplombant la mer de brouillard, dont celle du 5 décembre au Planet, par 23 degrés au soleil alors que la température sous le stratus n’a pas dépassé 1 degré de toute la journée.

Jura

JuraMoins sereine, en raison de la présence de chasseurs à l’heure crépusculaire, mais néanmoins positive en raison de sa dimension cathartique, la descente à grande vitesse sur sentiers et chemins caillouteux de la Chèvrerie à Givrins, avec le concerto pour violon de Mendelssohn à plein volume (90 dB !) – pour le plaisir, pour la sécurité du cycliste comme celle de la faune sauvage. Et puis il y a aussi, parfois, ces instants un peu inquiétants durant desquels on (re-)prend conscience de notre vulnérabilité, en particulier lorsqu’on arpente seul la nature déserte et qu’on passe une grande partie de la journée à rouler sur la neige, la glace, les amas de feuilles mortes, pierres et racines mouillées.

JuraParmi ceux-ci, je me rappelle en particulier d’être resté totalement immobile et aux aguets durant une dizaine de minutes après avoir entendu à plusieurs reprises des bruits de course ainsi que des cris provenant de la forêt à une centaine de mètres au-dessus de moi, sans que je ne puisse rien voir d’autre que des mouvements dans la végétation. J’ai finalement pensé qu’il devait s’agir de sangliers, car les traces de ces animaux sont nombreuses dans les alpages vaudois, et ai commencé à chercher du regard un éventuel abri autour de moi pour le cas ou un bon gros mâle déciderait que je n’ai rien à faire chez lui…

Quelques images de ces sorties d’automne dans le Jura et au Salève ont été publiées sur Piwigo.

Les journées de décembre étant si courtes, il est difficile de rentrer avant la nuit, mais les crépuscules sont magnifiques à cette saison et ce n’est pas désagréable de rouler dans l’obscurité quand on a de bonnes lumières, des vêtements en réserve et encore un peu de thé chaud dans le Thermos ! De plus, après tant d’efforts dans la neige et la boue, c’est magique d’avancer à 30 km/h sans se fatiguer.

Pour les jours les plus froids, il reste la possibilité de prendre le train à n’importe quelle gare : Rolle, Nyon, Coppet. Le grand luxe ! Mais en semaine il faudra affronter les sourcils froncés des pendulaires entassés qui tenteront de mettre le plus de distance possible entre eux et l’homme des bois ou sa monture, tous deux copieusement couverts de boue. Qu’importe : on leur aura offert quelques secondes d’attention à autre chose que leurs foutus écrans !

Évidemment, au terme de ces journées silencieuses, le retour en ville est difficile – le bruit, les bagnoles, la pollution, les gens qui courent encore plus que d’habitude, les bras chargés, les illuminations qui transforment les rues en spots de pub, les marchands du temple aux Bastions, le vacarme et le foutoir forains sur la plaine de Plainpalais… La ville n’est jamais agréable, ni belle – mais en décembre c’est pire que tout !

Jusqu’au 24, car ensuite débute une dizaine de jours magiques, une trêve rare et précieuse : désertée, la ville reprend une taille humaine et un visage acceptable. On mesure alors combien la vie serait plus belle ici s’ils restaient tous là où ils sont ou, mieux, décidaient d’aller s’établir dans la Lune, car le Valais et les Maldives ont aussi le droit de respirer !

La trêve concerne aussi le matraquage médiatique débilitant qui nous a été servi sans interruption depuis le début du mois, notamment sur les radios dites « de service public », où à force d’entendre parler de bouffe on finit par avoir la nausée, où les propos plus que complaisants à l’égard de la frénésie consumériste de décembre s’entrechoquent avec les programmes inécoutables destinés à susciter la générosité de la population envers ceux qu’une législation au service des puissants néglige en permanence, et où l’on nous soûle avec ces foutues « fêtes » comme s’il y avait quelque chose à célébrer alors que s’achève une nouvelle année noire pour l’humanité et la planète : record d’émissions de gaz à effet de serre, accélération du réchauffement climatique, échec de la COP 25 à Madrid, destruction de la biodiversité (extinction massive), malgré la mobilisation exemplaire des jeunes du monde entier tout au long de l’année.

Taux de CO2COP25Alors, profitons de la trêve pour reprendre notre souffle (et un peu d’espoir), pour crever le couvercle de stratus et aller faire le plein de lumière vitale en altitude – où le soleil brillera tous ces prochains jours, avec des températures de plus en plus douces.

Car de nombreux combats essentiels nous attendent l’année prochaine, et plus particulièrement la démolition des pauvres arguments du très puissant lobby des multinationales (coalition pour des multinationales responsables), le blocage définitif de la 5G (tant au niveau local, au moyen des 2 initiatives populaires qui vont être lancées, qu’à l’échelle planétaire), les grèves pour le climat, que nous devons multiplier et durcir, la promotion des mobilités douces, notamment celle du train à la place de l’avion, ainsi qu’une surveillance sans relâche des débats dans le nouveau parlement fédéral – sa coloration un peu plus verte et moins à l’extrême-droite que durant la législature précédente n’offre en effet aucune garantie qu’on y mènera des politiques responsables.

L’avenir est loin d’être rose, mais les résultats des récentes votations cantonales genevoises démontrent que les idées évoluent, puisque les électeurs ont désavoué leurs autorités sur plusieurs objets fortement inspirés par l’idéologie de la croissance sans fin.

Je laisse la suite du propos à l’astrophysicien français Aurélien Barrau, qui a le mérite de ne laisser planer aucun doute sur la situation actuelle : son interview, dans le cadre de l’émission « Tout un monde » du 4 octobre 2019 (RTS).

Bonne trêve à tous !

Plus d’infos sur le climat 2019 en Suisse :
« Décembre très doux avec localement des records de chaleur« , bilan mensuel MétéoSuisse (30.12.19)
« Encore une année chaude avec deux périodes caniculaires« , bilan annuel MétéoSuisse (20.12.19)

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